Ce soir-là, tout semblait normal. Mon mari, Julien, était rentré plus tôt du travail, prétextant une migraine. Moi, comme d’habitude, j’étais restée tard au bureau, absorbée par les dossiers qui ne cessaient de s’accumuler. Il n’avait jamais été du genre à se plaindre, alors son message m’avait surprise, mais pas alarmée.
J’ai franchi le seuil de la maison vers 21h, fatiguée mais heureuse de rentrer. Le salon était plongé dans une semi-obscurité. Aucune lumière dans la cuisine. Un silence étrange flottait dans l’air. Un de ces silences lourds, presque artificiels, qui vous font instinctivement ralentir le pas.

« Julien ? » ai-je appelé doucement.
Aucune réponse.
Je suis montée à l’étage. La porte de notre chambre était entrebâillée. J’ai posé la main sur la poignée, sans vraiment réfléchir. Et puis… je l’ai ouverte.
Je ne sais pas exactement ce à quoi je m’attendais. Certainement pas à ça.
Sur le lit, ce n’était pas une scène d’adultère comme dans les films. Non, c’était quelque chose de bien plus intime… et déstabilisant. Julien était assis, torse nu, face à un miroir, maquillé avec une précision troublante. Une perruque brune encadrait son visage, ses yeux étaient bordés d’un trait noir, parfaitement tracé. Il portait l’une de mes robes — une que je n’avais même pas remarquée disparue.
Il ne m’a pas vue tout de suite. Il chantonnait doucement, concentré sur ses gestes. Quand il a enfin levé les yeux, il a figé. Moi aussi.
Le silence a duré une éternité. Puis il a murmuré :
« Je suis désolé. Je voulais te le dire. Depuis longtemps. »
J’ai senti mes jambes se dérober. Pas par dégoût. Ni par colère. Mais parce que tout ce que je croyais savoir sur l’homme que j’aimais s’effondrait. Pas dans le sens d’une trahison. Mais dans celui d’une révélation.
Nous avons parlé. Longtemps. Il m’a confié qu’il se sentait ainsi depuis l’adolescence. Qu’il avait honte. Qu’il avait peur de me perdre. Que pendant des années, il avait réprimé ce besoin d’exister autrement, de s’exprimer dans cette part de lui qu’il cachait au monde.
Je ne vais pas mentir : ce fut un choc. Mais pas une fin.
Depuis ce jour, notre relation a changé. Elle est devenue plus honnête, plus fragile parfois, mais plus vraie. J’ai découvert un autre visage de Julien — ou plutôt, de la personne qu’il est vraiment. Et même si le chemin est incertain, je marche à ses côtés, pas à pas.
Parce que l’amour, le vrai, commence là où tombent les masques.